Mon Ostéopathe
Mon ostéopathe,
Je dis : « Mon » car de nos jours presque tous les praticiens sont évoqués, par leurs adeptes, avec ce pronom possessif. Serait-ce un bien que l’on acquiert et qui vaut parfois la peau des fesses, carte vitale en main ? Vive les spécialistes de la garde à vue de notre Santé. Dommage qu’il n’en n’existe pas pour la Joie !
Les curés, les rabbins, les docteurs ou autres dispensateurs de bonnes paroles, si mes souvenirs sont bons, ne souffraient pas d’une telle proximité. On allait « au » Docteur, souvenez-vous ! Pardon : « chez » le Docteur. Pas besoin de les appeler mon infirmière, mon médecin, avec son pseudo de généraliste, mon kiné, ma kiné, une des exception qui confirme la règle, mon psy et...je ne vais pas vous les faire tous.
Pour revenir à « mon » ostéo...que généreusement je partage avec qui le souhaite, il a gardé son prénom d’ostéo, mais son nom : pathe, de pathos sans doute, s’est fait la malle.
J’espère qu’il ne m’en voudra pas de faire comme tout le monde.
Avec sa grande douceur, il ne m’a pas fait craquer, ouf ! sinon avec ses beaux yeux, son touché délicat et avisé et ses conseils judicieux. Il faut se méfier de l’eau qui dort car il m’a concocté une multitude d’astreintes à perpétuité. Impossible de les prendre en notes. Vous en aurez donc l’air, mais pas forcément les paroles.
Il m’a d’abord invitée, non pour le thé, dommage, mais à faire les pieds au mur. Pire qu’un pied de nez. Il fallait déjà être sur le cul collé au mur, monter les jambes très tendues. Les pieds regardant de haut, tout en pointant les orteils vers le nez, les bras en croix (ça c’est du déjà vu) à plat sur le sol (ça change du classique), les coudes à 90° des côtes, les avant-bras à 90 °des bras, le dos des mains au sol. Le pouce et le riquiqui posé sur la terre ferme ! Vous verrez si le riquiqui qui a tout entendu ne lève pas le pouce pour se rebeller. L’index pris de court ne montre plus rien, le majeur est rétamé et pour l’annulaire, il crie : -« oh ciel mon ostéopathe ! ». Je vous fais grâce de la tête à plat avec le menton rentré, la respiration ventrale profonde et régulière et ce durant plein de minutes !
C’est à vous !
Mais avant, je vais tout de même vous parler de la suite de la séance intitulée « vertèbres cervicales » qui m’a ouvert d’autres horizons.
A peine digérés les exercices précédents, mon Ostéo a rajouté de nouvelles réjouissances. Et voilà que sur le chemin du retour, je croise un gamin d’une douzaine d’année, en bonne voie pour être obèse. Sur son tea-shirt noir, au niveau du ventre, le mot VIRTUEL était écrit plusieurs fois en camaïeu de blanc et gris. Je me suis demandée si ce garçon voulait sortir du virtuel grâce à son pense-bête en se mettant au régime ou se donner à penser que son gros ventre était virtuel ?
Dans quel monde vit-il ? Et nous tous d’ailleurs ?
Sur ce, tout en marchant, j’ai suivi les nouveaux conseils de mon ostéo et
mis, sitôt croisé ce garçon, ma cruche d’eau sur la tête, pour faire travailler mes muscles du cou. Mais quelle cruche je fais ! J’allais oublier de vous préciser que ma cruche était virtuelle.
J’en ai profité, question confort, de la poser sur un coussin de paille tressée, en couleurs, plus gai par ces temps brumeux.
Vous voyez le tableau.
Avançant sur le plat : tout allait à merveille. Je me serais crue grande reine d’Afrique fière et épanouie. Les cervicales en ordre de marche. Mais dans la côte cela s’est corsé. Dans la foulée, il me fallait effacer le creux lombaire arthrosique tout en actionnant le bas du dos, garder la tête haute, respirer, le regard droit devant. Ce n’était pas de la tarte !
Rassurez-vous, je ne me suis pas prise pour Perrette. Les pieds sur terre le lait ne s’est même pas renversé. Je l’aurais vu !
Alors à l’horizon s’est dessiné un futur sans accessoire pour les rééducations ou la gym à distance. La virtualité devrait faire l’affaire.
Soyez prudents tout de même pour l’avenir des humains, car ne dit-on pas : « Essayer, c’est l’adopter ! »
Ne vous y trompez pas : si vous me croisez dans la rue la tête haute, dressée de tout mon être, c’est que je porte une corbeille de fleurs et de fruits à faire rêver les plus poètes d’entre vous !
Sylvie Domenjoud mars 2021