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Fausse jumelle

Fausse jumelle

Fausse Jumelle

Cela fait longtemps qu’elle se rappelle à moi. Elle m’observe, je le sens. Et ce n’est pas de la paranoïa. Observer, ce n’est pas espionner. Si vous la connaissiez davantage vous verriez qu’elle aime écouter. Et quand elle a quelque chose à dire, elle ne manque pas de le faire savoir ! Elle peut même être tranchante. Si mes souvenirs sont bons, je pense qu’elle était là à ma naissance et même avant. Cela ne date pas d’hier! D’ailleurs je l’ai surnommée fausse jumelle, sans doute par faute d’imagination…
Je sais qu’elle côtoie beaucoup de monde. Je suis sûre que vous l’avez déjà croisée.
Pour vous la décrire, je dirais que c’est un Sujet délicat, fragile et fort à la fois. Quand j’ose parler d’elle, certains disent que c’est un mauvais sujet ! A mon sens, ils ne veulent pas la regarder en face. Je crois qu’elle fait très peur, et ce depuis la nuit des temps ! C’est d’ailleurs pour tenter de ne pas la voir, que paradoxalement, on a inventé le feu, même celui de Bengale, les bougies, les lampes de mineur, les réverbères, les ampoules et en plus avec leur électricité.
Même le soleil se met de la partie. Certains ont prié pour qu’il n’oublie pas de se lever chaque jour. On lui accorde des nuits, plus ou moins longues il est vrai, et quelques nuits blanches. Rarement des nuits toutes noires. Mais quand il brille à longueur de journée, on pleure et on en appelle aux nuages !
Petit aparté : Si vous avez peur du noir, regardez les œuvres de Soulage. Quel soulagement de voir que dans le noir il y a tant de nuances. Essayez de faire du Soulage - vous ne lui arriverez peut-être pas à la cheville - en plaquant vos paumes de mains sur vos yeux. Incroyable le noir ! il vous en fait voir de toutes les couleurs ! Il est, dit-on, fait de toutes les teintes et capable, qui plus est, d’absorber toute la lumière, jusqu’à l’éteindre, et ce, même sans interrupteur. Il y a de quoi avoir les chocottes.

Je vous présente donc cette fausse jumelle. Elle est très grande. D’ailleurs elle me dépasse de plusieurs tête ce qui est fastoche vu comme je suis petite et bien vivante. Elle est plutôt fine, avec un sourire en coin qui en dit long. Elle est très jolie mais s’habille le plus souvent de façon stricte mais chic. Sa couleur dominante : le noir.
Mine de rien, malgré ses joues rouges, on dirait qu’elle a la mort dans l’âme. De jour comme de nuit elle est sur des charbons ardents. Elle sait rire de tout et de rien. Mais surtout de rien du tout. Elle est très douée pour faucher. Encore mieux que le paysan qui fauchait durant des heures les foins et dont J’admirais l’aisance et la cadence incroyable. Avec son sang froid habituel, la fausse jumelle arrive à cueillir délicatement des fruits si tendres de la vie que cela la rend morose. C’est l’enfer lorsqu’elle doit arracher à la vie des fleurs trop fanées. Imperturbable elle ne chôme pas et sans rechigner, elle met les bouchées doubles s’il le faut. Elle n’a pas même pas le temps d’écouter des requiem. Pourtant elle adore ça. Elle est constamment sur le qui-vive.
N’empêche que pour en revenir à ma pomme, ma fausse jumelle, chacun la sienne, ne me lâche pas d’une semelle. Elle me conseille dans des choix, me laisse rêver et me pousse dans l’éphémère de la vie à réaliser ce qui me tient à cœur ! C’est grâce à elle, mais pas qu’à elle, tout de même, que je me suis achetée un chapeau de paille au ton rouge délavé, et un autre en jean, sans accroc, avec un bandeau à dominante fuchsia. Classe ! non ? J’ai eu le coup de foudre et n’ai même pas attrapé la mort ! Elle me protège et me force à écouter mon intuition.

Parfois je la frôle et cela me donne des frissons. Elle met du piment à ma vie. Elle a de grands pouvoirs pour me montrer que je suis mortel. Elle met son grain de sel à me faire trébucher, tomber, rater, imaginer, gagner, perdre, créer, pleurer et rire, écouter, sentir, échanger, partager… et même penser. Cela peut servir, même si penser ce n’est pas toujours la panacée, comme certains peuvent le penser ! Si on savait tout ce que l’on sait de travers et tout ce que l’on ne sait pas on ne dirait pas que l’on pense !
Je ne vais pas vous confier tous mes secrets mais c’est bien parce que ma fausse jumelle a voulu me rayer des vivants que j’ai découvert l’écriture, en gardant tout de même comme repère mes fausses notes en orthographe. Je ne peux que m’améliorer.
C’est-y-pas un chouette cadeau de la vie ?
Alors j’apprends que l’expérience est à usage unique. En voici quelques unes qui ne m’ont vaccinées de rien du tout :
Née presque sur le pas de la porte, j’aurais pu avoir un gros bleu sur la tête : que nenni !
Après un tonneau en voiture au bord du fjord j’aurais pu couler : que nenni !
Une pensée de travers et mon pied aurait pu ripper « grave » comme on dit : que nenni !
Cela n’a pas limité des dégâts que je passe sous silence…
Il y a tant de variétés, de propositions pour aimer toujours plus la vie !
La mort peut permettre un aller retour dans l’au-delà. Cela ne se commande pas. Peut-être n’ai-je pas osé aller jusque là?
Ce n’est sans doute pas donné à tout le monde.

La mort, alias fausse jumelle, puisqu’il faut appeler un chat un chat et non une technicienne de surface, quoique… faisait partie de la normalité dans d’autres temps, d’autres lieux. De nos jours, elle donne de plus en plus de fils à retordre aux communs des mortels, dits « civilisés », qui ne veulent la voir qu’en peinture et la font attendre parfois trop longtemps. Aux portes des hôpitaux ou des EPAD, et même à domicile, la barque funéraire est remplacée par un « embarqué c’est pesé » ! Il y a de moins en moins de cérémonies, de rituels, de veillées.
Certains laissent miroiter au grand public crédule que la mort va disparaître. Ils ne jurent plus que par l’image, la santé, le corps et ce qui tourne autour. Les émotions, la sensibilité sont en sourdines et la santé a détrôné la quête du bonheur !
A force de vouloir à « tous prix » gommer la mort, on laisse surgir des angoisses de plus en plus profondes, des douleurs « insupportables ».
On a peur de tout. On sécurise tout.
Haut–les-mains que personne ne bouge. La bourse ou la vie ?
On écarte la contamination avec des pincettes, des gants, des masques, des combinaisons, avec des bunkerisations, des chimisteries qui s’opposent à la vie, on ne sait pas de qui d’ailleurs, des vaccins c’est à la mode, des cachets en veux-tu en voilà, pour cacher la douleur qui s’amplifie avec les peurs. Vive les drogues.
Et malgré tout cet attirail, il réapparait le furet des bois-mesdames, la sorcière, la coquine, là où l’on ne l’attend pas.
Tout cela rapporte gros en plus ! Certains profitent de la situation. Semer la terreur, la confusion avec ou sans masque, amène le peuple tétanisé à ne plus penser, ni même à lever le petit doigt ou dire pouce d’un air décidé. Face de Bouc est là et veille les morts-vivants. Fini les fêtes, avec les liens qu’elles tissent avec ses risques et retours de manivelle.
Elle trouve toujours une nouvelle combine pour réapparaître malgré le pouvoir des dieux techniciens, mécanistes et rationalistes de notre monde occidentalisé et même jusqu’à l’extrême orient.

Que le chronomètre de la mort soit fixé à l’avance ou non, il ne faut pas vous leurrer, ce n’est pas la mort qui sape la vie des uns et des autres tout au long de leur périple. Nous sommes les champions de nos scénario catastrophes, avec pour acteur principal la menace de ne plus vivre et par comble de malchance celle de souffrir. Un conseil : mourrez avant que la mort ne vous trouve, comme ça elle ne vous menacera plus !
En rayon il y a à votre disposition : mourir de peur, d’ennui, d’abandon, d’injustice, de tristesse, de honte, de douleur… ces sentiments sont à cultiver sous serres, hors–sol, sans eau, sans soleil, sans vent, sans amour. Et le tour est joué !
Ce qui est sûr c’est que malgré la grève des transports, les stocks made in ailleurs sont prêts et la mort sera à l’heure au rendez-vous. Elle arrive toujours à ses fins.

On oublie trop souvent les bons moments et la merveilleuse « invention » qu’est la Vie. Avez-vous rencontré quelque « chose » de plus génial ?
Alors vivez–la.
Mourir de rire est un bon pari sur la vie ! C’est du bon grain…semez des rires et sourires et vous ne serez pas déçu.
Après coups, ceux qui sont revenus de la mort disent tous :
« L’au delà est lumière et amour »
Mais en attendant que sonne le glas on peut de nos chagrins faire pousser de nouvelles graines.
Alors voici mon épitaphe : « Ça ira bien, c’est l’aventure… »


PS : J’aime beaucoup ce livre pour « enfants » de Paul François, Eds : Père Castor.
« La grande panthère noire » C’est de l’histoire ancienne, toujours d’actualité



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